Bonjour tout le monde !
Nombre d'auteurs veulent faire passer leurs idées dans leurs écrits. Cela nous amène au troisième débat de l'atelier : comment conjuguer littérature et militantisme ?
Comme toujours il durera un mois et fera l'objet d'une synthèse. Vestrit et moi seront les arbitres.
C'est parti !
[Débat n°3] : Comment mélanger littérature et militantisme ?
Modérateur : Modération Accueil et Discussions
Re: Débat n°3 : Comment mélanger littérature et militantisme ?
Bon, je vois que personne ne s'est jeté avant sur la question alors je vais lancer le truc en monologuant comme si il était à peu près 22h37 au bar un vendredi soir
J'ai l'impression qu'il y a deux façons de comprendre la question, la première étant comment joindre militantisme et écriture, au sens de comment lier son activité littéraire et ses activités militantes, et peut-être, comment la littérature et le militantisme peuvent se nourrir l'un l'autre.
C'est lié mais ce n'est pas tout à fait la même chose
Il est évident que littérature et politique sont liés (je me rappelle en écrivant ça qu'on me demandait de justifier des trucs concrètement en philo et que "il est évident" est à proscrire, mais screw it c'EST évident)
On écrit selon ses convictions, et, à moins de faire un texte purement récréatif (et encore), on aura tendance à amener, sinon ses discours, au moins ses filtres d'analyse du monde. Après, tous les textes ne sont pas militants, et toutes les fictions en particuliers ne le sont pas, MAIS. Les auteurs sans convictions politiques sont rares, et ceux sans biais encore plus. L'anneau-monde est pas exactement une SF politique mais t'inquiète qu'à la lecture tu sais de quel côté l'auteur votait
En fiction et notamment en SF, littérature et militantisme sont tellement liés qu'il serait difficile de dire qui engendre l'autre. Quand on lit Rivers Solomon, difficile de savoir si iel (je sais qu'en français iel accepte le pronom elle par manque de neutre, mais vu qu'en anglais c'est They, qu'iel est non-binaire et que cette acceptation du féminin est surtout lié aux résistances des journalistes français à utiliser le neutre, je la tente en iel tout de même. Si c'est pas bon et qu'il vaut mieux rester sur elle je corrigerai) difficile de savoir si iel, donc, est d'abord auteurice ou militant-e.
Après je dirais que, si on parle d'écriture engagée, il y a deux écoles, que j'appelle dans ma tête la démarche Moralistes et la démarche Infusée. Je les appelle comme ça parce qu'au moins c'est clair
Le Moralisme a tendance, sans surprise, à donner des histoires à message. Il y a une morale, elle est claire, voire explicite, voire déclamée par un des persos principaux. L'auteurice veut parler d'Un Sujet (peut-être même plusieurs), et le Sujet en question sera traité de façon plus ou moins allégorique, mais très clairement. C'est, par exemple, la démarche de Terry Pratchett. (Timbré!, forever dans mon coeur. "On Va Parler De Privatisations, De Monopoles, De Service Public. Je Vote A Gauche").
Les Infusées sont des oeuvres un peu plus artistiques que militantes. Ce n'est pas pour dire que leurs auteurices sont moins actifs politiquement (d'ailleurs je parle de démarche, pas d'auteurices, parce que la démarche est unique à chaque roman et qu'on peut passer de l'un à l'autre sans cesse au cours de sa carrière), mais, lorsqu'il s'agit de littérature, les thèmes qui leur tiennent à coeur sont présents en profondeur et pas forcément comme Sujet ou Structure. C'est, par exemple, plus proche de ce que fait Ursula K Le Guin dans son cycle de Terremer. Ses convictions personnelles ne sont pas le Sujet, mais une partie du langage utilisé, je trouve. Pour le coup certains de ses romans flirtent plus avec le Moralisme mais c'est un spectre toussa toussa
Ensuite, ce n'est pas à des auteurs de SF qu'on apprendra que politique et littérature sont étroitement liés. La SF est le terrain de jeu des "hé, si on disait que...[concept sociétal]" depuis le début. Par extension, c'est un peu le cas de la fantasy aussi, quoique celle-ci soit souvent plus conservatrice. (pas toujours. j'ai cité Le Guin et Pratchette vous vous doutez bien que je suis au courant ) d'un point de vue d'auteurice, donc, le lien politique-écriture est assez clair je pense.
Après, politique =/=militantisme. Là, on rejoint la question de l'art militant. Est-ce qu'un roman est, en soi, un acte militant ? Je dirais que ça dépend du contexte. Je répondrai plus facilement oui si le roman provient d'une auteurice appartenant à une ou plusieurs minorités, parce que faire entendre sa voix dans ce cas-là est un acte militant en soi (malheureusement, en tant que minorité, chaque aspect de la vie est politisé.) Venant d'auteurices privilégiés, eh... ça dépend. question compliquée. De façon générale, s'il y a une forte opposition à la publication du texte, alors il peut devenir un acte militant en soi, par ex dans un contexte de censure.
(attention, je fais bien la différence entre un acte militant et une volonté d'aller vers une société meilleure ; lorsqu'il était compliqué de sortir un bouquin fasciste, le publier était un acte militant -de fasciste-, mais bon, je vais pas le valider. Maintenant que ça donne juste droit à une invite chez bolloré pour être qualifié de joyeux trublion je sais pas si on peut parler de militantisme, mais bon, quand je dis ça en dîner je me fais engueuler, comme quoi on peut vraiment plus rien dire LMAOOOO)
En tout cas, la littérature n'est clairement pas politiquement bénigne, par nature. Si elle l'était, il n'y aurait justement pas besoin de censure. Les idées et leur propagation à travers la société sont essentielles à la vie politique, et la littérature est un puissant vecteur idéologique. On souffre d'ailleurs en ce moment-même d'une crise de l'imagination quant à la crise climatique qui ralentit justement une partie des changements nécessaires, justement parce qu'il n'y a que très peu de propositions post-capitalistes existantes en fiction (ce n'est pas moi qui le dit, mais je ne me rappelle plus des sources que j'ai entendu s'exprimer à ce sujet. Il y en avait sur France Culture et, évidemment, chez le collectif solarpunk. Après, j'ai menti, c'est aussi moi qui le dit.) Il y a beaucoup plus de scénarios catastrophes poussant à la dépression et à l'abandon que d'histoires permettant d'imaginer un demain souhaitable, et je peux vous dire que ça joue.
Il y a des propositions post-capitalistes en non-fiction, mais elles existent sur un plan intellectuel ; on sait tous maintenant que l'émotion est toutefois un moteur beaucoup plus puissant que la raison, et justement, la littérature, en faisant passer des idées depuis le domaine des penseurs à celui du loisir et de l'émotion permet de généraliser et vulgariser ces idées, de façon à les rendre plus accessibles et, ironiquement, plus concrètes. Il s'agit de donner l'imagination et le souffle aux idées politiques que l'on défend. Ce n'est pas forcément un acte militant au sens propre et direct, mais ça y participe.
Du coup. Comment mélanger littérature et militantisme ?
1)En écrivant
2)En militant
J'espère que c'était compréhensible
J'ai l'impression qu'il y a deux façons de comprendre la question, la première étant comment joindre militantisme et écriture, au sens de comment lier son activité littéraire et ses activités militantes, et peut-être, comment la littérature et le militantisme peuvent se nourrir l'un l'autre.
C'est lié mais ce n'est pas tout à fait la même chose
Il est évident que littérature et politique sont liés (je me rappelle en écrivant ça qu'on me demandait de justifier des trucs concrètement en philo et que "il est évident" est à proscrire, mais screw it c'EST évident)
On écrit selon ses convictions, et, à moins de faire un texte purement récréatif (et encore), on aura tendance à amener, sinon ses discours, au moins ses filtres d'analyse du monde. Après, tous les textes ne sont pas militants, et toutes les fictions en particuliers ne le sont pas, MAIS. Les auteurs sans convictions politiques sont rares, et ceux sans biais encore plus. L'anneau-monde est pas exactement une SF politique mais t'inquiète qu'à la lecture tu sais de quel côté l'auteur votait
En fiction et notamment en SF, littérature et militantisme sont tellement liés qu'il serait difficile de dire qui engendre l'autre. Quand on lit Rivers Solomon, difficile de savoir si iel (je sais qu'en français iel accepte le pronom elle par manque de neutre, mais vu qu'en anglais c'est They, qu'iel est non-binaire et que cette acceptation du féminin est surtout lié aux résistances des journalistes français à utiliser le neutre, je la tente en iel tout de même. Si c'est pas bon et qu'il vaut mieux rester sur elle je corrigerai) difficile de savoir si iel, donc, est d'abord auteurice ou militant-e.
Après je dirais que, si on parle d'écriture engagée, il y a deux écoles, que j'appelle dans ma tête la démarche Moralistes et la démarche Infusée. Je les appelle comme ça parce qu'au moins c'est clair
Le Moralisme a tendance, sans surprise, à donner des histoires à message. Il y a une morale, elle est claire, voire explicite, voire déclamée par un des persos principaux. L'auteurice veut parler d'Un Sujet (peut-être même plusieurs), et le Sujet en question sera traité de façon plus ou moins allégorique, mais très clairement. C'est, par exemple, la démarche de Terry Pratchett. (Timbré!, forever dans mon coeur. "On Va Parler De Privatisations, De Monopoles, De Service Public. Je Vote A Gauche").
Les Infusées sont des oeuvres un peu plus artistiques que militantes. Ce n'est pas pour dire que leurs auteurices sont moins actifs politiquement (d'ailleurs je parle de démarche, pas d'auteurices, parce que la démarche est unique à chaque roman et qu'on peut passer de l'un à l'autre sans cesse au cours de sa carrière), mais, lorsqu'il s'agit de littérature, les thèmes qui leur tiennent à coeur sont présents en profondeur et pas forcément comme Sujet ou Structure. C'est, par exemple, plus proche de ce que fait Ursula K Le Guin dans son cycle de Terremer. Ses convictions personnelles ne sont pas le Sujet, mais une partie du langage utilisé, je trouve. Pour le coup certains de ses romans flirtent plus avec le Moralisme mais c'est un spectre toussa toussa
Ensuite, ce n'est pas à des auteurs de SF qu'on apprendra que politique et littérature sont étroitement liés. La SF est le terrain de jeu des "hé, si on disait que...[concept sociétal]" depuis le début. Par extension, c'est un peu le cas de la fantasy aussi, quoique celle-ci soit souvent plus conservatrice. (pas toujours. j'ai cité Le Guin et Pratchette vous vous doutez bien que je suis au courant ) d'un point de vue d'auteurice, donc, le lien politique-écriture est assez clair je pense.
Après, politique =/=militantisme. Là, on rejoint la question de l'art militant. Est-ce qu'un roman est, en soi, un acte militant ? Je dirais que ça dépend du contexte. Je répondrai plus facilement oui si le roman provient d'une auteurice appartenant à une ou plusieurs minorités, parce que faire entendre sa voix dans ce cas-là est un acte militant en soi (malheureusement, en tant que minorité, chaque aspect de la vie est politisé.) Venant d'auteurices privilégiés, eh... ça dépend. question compliquée. De façon générale, s'il y a une forte opposition à la publication du texte, alors il peut devenir un acte militant en soi, par ex dans un contexte de censure.
(attention, je fais bien la différence entre un acte militant et une volonté d'aller vers une société meilleure ; lorsqu'il était compliqué de sortir un bouquin fasciste, le publier était un acte militant -de fasciste-, mais bon, je vais pas le valider. Maintenant que ça donne juste droit à une invite chez bolloré pour être qualifié de joyeux trublion je sais pas si on peut parler de militantisme, mais bon, quand je dis ça en dîner je me fais engueuler, comme quoi on peut vraiment plus rien dire LMAOOOO)
En tout cas, la littérature n'est clairement pas politiquement bénigne, par nature. Si elle l'était, il n'y aurait justement pas besoin de censure. Les idées et leur propagation à travers la société sont essentielles à la vie politique, et la littérature est un puissant vecteur idéologique. On souffre d'ailleurs en ce moment-même d'une crise de l'imagination quant à la crise climatique qui ralentit justement une partie des changements nécessaires, justement parce qu'il n'y a que très peu de propositions post-capitalistes existantes en fiction (ce n'est pas moi qui le dit, mais je ne me rappelle plus des sources que j'ai entendu s'exprimer à ce sujet. Il y en avait sur France Culture et, évidemment, chez le collectif solarpunk. Après, j'ai menti, c'est aussi moi qui le dit.) Il y a beaucoup plus de scénarios catastrophes poussant à la dépression et à l'abandon que d'histoires permettant d'imaginer un demain souhaitable, et je peux vous dire que ça joue.
Il y a des propositions post-capitalistes en non-fiction, mais elles existent sur un plan intellectuel ; on sait tous maintenant que l'émotion est toutefois un moteur beaucoup plus puissant que la raison, et justement, la littérature, en faisant passer des idées depuis le domaine des penseurs à celui du loisir et de l'émotion permet de généraliser et vulgariser ces idées, de façon à les rendre plus accessibles et, ironiquement, plus concrètes. Il s'agit de donner l'imagination et le souffle aux idées politiques que l'on défend. Ce n'est pas forcément un acte militant au sens propre et direct, mais ça y participe.
Du coup. Comment mélanger littérature et militantisme ?
1)En écrivant
2)En militant
J'espère que c'était compréhensible
Re: Débat n°3 : Comment mélanger littérature et militantisme ?
Globalement d'accord.
J'ajouterai que l'approche Moraliste a tendance à se faire avec des gros sabots, donc c'est un exercice périlleux si on ne veut pas que le lecteur sente un "tu vas la bouffer, ma morale !" de la part de l'auteur.
J'ajouterai que l'approche Moraliste a tendance à se faire avec des gros sabots, donc c'est un exercice périlleux si on ne veut pas que le lecteur sente un "tu vas la bouffer, ma morale !" de la part de l'auteur.
Crazy
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