Écrire pour la "jeunesse" est-il plus dur que pour les adultes ?

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Georges Milton
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Écrire pour la "jeunesse" est-il plus dur que pour les adultes ?

Message par Georges Milton »

Dans la psyché collective, on pense souvent qu’écrire pour la jeunesse est « plus facile » qu’écrire des romans adultes. J’en veux pour preuve le peu de reconnaissance dont jouissent les auteurs et les autrices « jeunesse ». On ne les voit que peu dans les journaux, même quand ils sont archi-reconnus à l’étranger. Il n’y a qu’à regarder le désintérêt incroyable avec lequel a été accueillie l’obtention du Prix Astrid Lingrend (équivalent du Nobel de Littérature jeunesse) par l’auteur français Jean-Claude Mourlevat l’an dernier. Il a certes eu droit à pas mal d’émissions de radio, mais par rapport à ce qu’il se passe avec ceux qui ont le Nobel, c’est de la rigolade.

Bref.

Ayant pour ma part terminé tout mouillé de chaud d’écrire mon premier roman adulte, y ayant mis mes tripes et même plus, voyant enfin que pour gagner ma vie avec ça, il allait falloir recommencer régulièrement (trop pour que les idées se renouvellent et que le style seulement naissant n’en pâtisse pas), j’ai été moi-même victime de ce préjugé et me suis dit, benoîtement, « Tiens et pourquoi pas écrire, vite fait bien fait, un roman jeunesse ? ». À la faveur d’un NaNoWrimo, je me suis dit que l’occasion était bonne de pisser de la copie et toucher deux ou trois milliers d’euros sans trop d’efforts. Rassurons les amoureux de l’art et de la littérature : je pensais aussi et surtout avoir une histoire digne d’intérêt et une thématique peu exploitée par ladite littérature, bref, je me disais aussi que j’avais un message à délivrer à nos chères têtes blondes et qu’il me serait facile de le leur délivrer et de participer avec d’autres à leur élévation morale (comme on disait jadis).

Effectivement, un premier jet sortit de mon clavier en quelques mois (entrecoupés de corrections pour mon premier roman, mais en gros, c’est allé assez vite). J’avais vraiment l’impression d’avoir fait du bon boulot, et surtout je m’étais dis que c’était « bien plus simple, car il suffisait de dérouler de l’action, de l’action et encore de l’action » (pour peu qu’on sache envoyer de l’action, hein!). Pour tout dire, j’avais même l’impression d’avoir donné vie à un personnage assez sympathique, en chair, « épais » comme on dit parfois. Bref, j’avais l’impression d’avoir fait le job, sans me douter que le job, je ne le connaissais pas du tout.

Soyons honnêtes, le job d’écrivain, même en littérature générale adulte, je ne le connais pas vraiment (ce n’est pas avec un unique roman publié et quelques nouvelles qu’on peut dire connaître ce genre de métier), mais au moins j’en avais un avant-goût. Mais sur celui d’écrivain jeunesse, alors là, en fait j’avais tout faux.

Il me semble aujourd’hui que l’écriture jeunesse est, sous certains aspects, bien plus exigeante que l’écriture pour un public adulte. Non, on ne va pas forcément chercher un style fabuleux, des métaphores grandioses (je vous rassure ce n’est pas forcément ce que je cherche non plus en « adulte ») ou au contraire une aridité déconcertante que le public averti en adulte saura prendre pour une richesse stylistique inversée, mais on ne peut pas tricher. Il faut que le lecteur adhère totalement, ou alors cela fera qu’il n’y croira pas du tout, là où un public adulte peut à la fois passer l’éponge si le thème l’intéresse, ou peut surmonter quelques difficultés stylistiques dont il a plus l’habitude.

Les retours que j’ai reçus de quelques maisons d’édition (là encore, ce n’est pas assez pour établir une règle, mais suffisant pour m’avoir ouvert les yeux) me laissent entrevoir un monde ou on n’a pas le droit au « moyen », alors que le peu de reconnaissance professionnelle laisse croire qu’on est encore en-dessous de ça.

En réalité, on m’a fait remarquer que mon écriture était trop lisse, trop propre, que la voix de mon personnage pas assez âpre et vive, ma langue pas assez vivante. Des qualités que je m’applique à mettre en œuvre dans mes romans « adulte », mais que j’avais, par paresse et croyance en la facilité, laissées un peu de côté pour mon texte jeunesse.

Eh bien voilà, ce texte je le réécris encore et encore. Je ne compte plus les versions avec, toujours, des retours d’éditeurs qui me disent que je n’y suis pas encore, que l’histoire les intéresse (c’est déjà ça), mais qu’il manque un petit supplément d’âme au texte pour emporter leur adhésion. Que l'écriture n'es pas assez libre et folle. Voilà presque quatre ans que je travaille sur ce texte, en variant les points de vue, les niveaux de langue. Dans le même temps, j’ai écrit deux romans « adulte » qui eux ont été acceptés. Alors du haut de ma minuscule expérience, il me semble qu’écrire pour la jeunesse est plus dur que pour les adultes.

Et finalement, c'est plutôt enthousiasmant, non ?

GM
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Umanimo
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Re: Écrire pour la "jeunnesse" est-il plus dur que pour les adultes ?

Message par Umanimo »

Je suis tout à fait d'accord. À tel point que, personnellement, je ne me sens pas les épaules pour le faire. Et j'admire celleux qui le font.

Bref, j'écris pour des adultes par incompétence, paresse, facilité, un des trois ou les trois. Car, pour moi, écrire pour des enfants/adolescents demande d'arriver à se remettre dans leur peau pour sentir si son texte leur correspond et je ne m'en sens pas capable.
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Nana
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Re: Écrire pour la "jeunnesse" est-il plus dur que pour les adultes ?

Message par Nana »

Plus compliqué, je ne sais pas. Différent, c'est certain.

En ce qui concerne le "moyen", les enfants sont souvent sans filtre, et pas forcément dans la nuance. Soit ils adorent, soit ils détestent, mais c'est plus rare d'avoir des avis "au milieu". Ce pourquoi les maisons d'édition ne peuvent pas se permettre d'avoir des doutes sur ce qu'ils vont publier. La littérature adulte n'ont plus, vous me direz, mais je pense que c'est encore plus vrai en jeunesse.

Pour la reconnaissance, c'est un problème qu'on retrouve je pense dans tout ce qui touche ce qu'on appelle la "littérature de divertissement" (un terme qui me laisse perplexe, parce que bon, si on a envie de lire un livre, c'est pas pour s'ennuyer...). La France a un côté très "élitiste" là-dessus, ce qui explique pourquoi les gens ne sont pas reconnus à leur juste valeur, notamment en jeunesse. Parce qu'en plus, en jeunesse, ils écrivent pour des enfants, alors y a pas vraiment besoin de se creuser la cervelle, pas vrai ? (ironie)

Or comme je disais, le public jeunesse est super exigeant. Peut-être qu'on n'y fait pas de "grandes phrases", mais ce n'est pas facile à écrire pour autant. En général, pour que ça marche, il faut quelque chose de vivant, accrocheur, sans faire l'impasse sur les personnages attachants et une intrigue intéressante, le tout raconté à hauteur d'enfant... Et c'est pas facile. J'aimerais que ce soit davantage reconnu, car ce serait mérité.

En plus je trouve que c'est dommageable que ce ne soit pas reconnu à sa juste valeur. On voit beaucoup moins les romans jeunesse dans les médias. Si ça bénéficiait de davantage de couverture médiatique (en particulier dans la littérature adolescente), peut-être que les jeunes auraient davantage envie de lire...
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Ivan
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Re: Écrire pour la "jeunesse" est-il plus dur que pour les adultes ?

Message par Ivan »

Je serais plutôt de nature à être en désaccord avec ce constat... au moins en partie. (Disclaimer : opinion de quelqu'un qui n'écrit pas de jeunesse.)
Je ne conteste pas que viser un public jeune impose des contraintes supplémentaires sur un certain nombre de choses que tu décris très bien. Il me semble cependant que les points remontés se focalisent avant tout sur le style et la mise en scène. Les difficultés incontestables que tu relates me semblent avant tout liées à la découverte de nouveaux codes, non à leur complexité intrinsèque.

Ayant donné beaucoup de cours (dans des domaines de la technologie), j'ai pu constater qu'il fallait un certain talent pour expliquer des choses simples de manière simple, même pour de jeunes adultes. Mais j'ajouterais, ce sera peut-être sujet à la controverse, qu'il en faut encore plus pour expliquer des choses complexes à qui que ce soit.
Il est difficile pour moi de considérer que les aspects de forme sont le cœur du métier d'artiste (écrivain en particulier). Aussi exigeants qu'ils le soient, à mes yeux le plus ardu sera toujours le travail des thématiques, le tissage d'une intrigue cohérente et qui rend justice à la complexité du monde, et bien sûr la production de pensée originale.
Je ne prétends pas que ces aspects sont totalement absents de la littérature jeunesse, mais ma propre expérience du genre me laisse également penser qu'ils sont loin d'être au premier plan (il y a sûrement des exceptions). Sans entrer dans un clivage élitiste que Nana critique à juste titre, il y a effectivement pour moi des lectures divertissantes, plutôt associées à la jeunesse, et d'autres qui requièrent un investissement intellectuel de la part du lecteur. Le second me semble requérir des compétences artistiques plus développées que l'acquisition d'un style littéraire soluble dans tel ou tel lectorat.

À mes yeux, viser un public adulte me semble donc vraiment plus difficile qu'écrire pour la jeunesse, sans que cela ne sous-entende (évidemment) la supériorité morale de l'un sur l'autre.
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Myfanwi
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Re: Écrire pour la "jeunesse" est-il plus dur que pour les adultes ?

Message par Myfanwi »

Je suis d'accord et pas d'accord.

Déjà, la littérature de jeunesse, c'est vaste. Ça couvre l'album, le roman, la bande dessinée, le théâtre, les mangas, et beaucoup, beaucoup d'autres choses.

Pour le roman, j'avoue ne pas être d'accord par exemple. Certes, il y a des œuvres qui se démarquent, mais l'essentiel de la production est clairement commerciale. La majorité des romans de jeunesse c'est tout ce qui est Young Adult (avec des thèmes extrêmement récurrents, genre je suis chroniqueuse de YA et c'est une chose que je regrette : beaucoup trop de textes se ressemblent, mais comme c'est ce qui marche, ça ne se renouvelle pas), tout ce qui est dérivé de choses connues (Fortnite, Minecraft, les 3/4 des bibliothèques roses et vertes, les romans Disney...) et ensuite les oeuvres majeures : Harry Potter, Bottero (et encore, même lui se vend de moins en moins :') ), ect. Les trucs à la mode, ils sont à la mode pour quelques mois et ensuite on n'en parle presque plus. Typiquement ce qui s'est passé avec Twilight et Divergente. Pour trouver des pépites, il faut vraiment chercher, et pour ma part, toutes celles que j'ai recommandé et qui avaient un style incroyable... n'ont pas fonctionné mdr. Et c'est frustrant, mais ce qui sort des sentiers battus, ça ne fonctionne pas. Si je me réfère à ce que j'ai vendu en stage de librairie ces deux derniers mois, c'est des choses tirées de Netflix, tirées de fanfictions K-Pop, ou des références déjà populaires. Ce qui en sort part très difficilement.

Donc oui, quelque part, écrire du roman pour la jeunesse, c'est compliqué, parce qu'il y a littéralement trois chances sur quatre que ça ne prenne pas. Ce qui explique également pourquoi les maisons d'édition sont intransigeantes dessus. Le YA, c'est plus de risques de pertes que de risques de réussites, alors il faut être VRAIMENT sûr de son coup. De plus, les ados sont bien plus intéressés par les auteurs anglophones que les auteurs français, donc ça aussi c'est un problème. En France, un peu comme en SFFF d'ailleurs, on manque d'auteurs références vraiment marquants et récents pour rendre certains textes plus crédibles et sérieux. Les anglais ont Harry Potter, les USA, Suzanne Collins, et nous ? Bah... Voilà... On en a quelques uns, comme Pierre Pevel ou Bottero, mais si vous demandez à des enfants qui ils préfèrent entre JK Rowling et Bottero, je pense que le choix va être vite fait :')

Pour ma part, il y a aussi certains schémas que je trouve très agaçants en jeunesse, notamment cette foutue tendance à faire des suites de suites de suites pour rentabiliser un contenu jusqu'à sa dernière goutte. Ou la tendance à mettre de la romance partout pour dire aux jeunes "Eh t'as vu j'ai compris que tu aimes la romance donc j'en mets même si ça a rien à voir avec l'histoire à la base", en plus des mêmes archétypes de personnages et des messages de tolérance ou d'écologie tellement subtils que même un éléphant déguisé en ninja passerait inaperçu à côté. Les auteurs ont tendance à prendre les jeunes lecteurs pour des idiots, tout simplement, alors qu'on ne lit pas en 2022 comme il y a vingt, et même dix ans.

Perso je lisais Tolkien dans la cour de récré. Vous verrez jamais ça aujourd'hui xD

Après, clairement, c'est pas le même constat partout. En album par exemple, non seulement c'est compliqué de se faire une place, mais en plus il faut vraiment rivaliser des idées pour jouer avec l'image ET le texte. Certains romans ont essayé de faire pareil, et les rares que je connais ont été des succès, à commencer par Winnie l'Ourson, qui est genre le maître des maîtres sur ce point. Il y a beaucoup d'innovations dans le milieu ces dernières années, et c'est très chouette à voir. Malheureusement, la reconnaissance ne va pas avec, on rappelle que les auteurs d'albums gagnent entre 5 et 7% de droits d'auteur en moyenne contre 8 à 10% en romans. Et ce statut de l'auteur de jeunesse en France explique aussi pourquoi beaucoup d'auteurs originaux jettent l'éponge. Il y a quelques années, un auteur de BD connu annonçait devoir reprendre un deuxième travail après presque quinze ans de BD où il gagnait bien sa vie, tellement c'est un travail mal payé et méconnu.

Et c'est très vrai. On sait souvent, au moins brièvement, comment fonctionne l'édition d'un roman, beaucoup moins celui d'un album ou d'une BD, ça demande pas le même travail.

Pour en revenir au sujet : oui, c'est compliqué, ça demande de la patience et d'accepter qu'il y a 80% de chances qu'on va se planter, c'est ingrat, mais en persévérant, il y a moyen de se faire connaître éventuellement !
Georges Milton
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Re: Écrire pour la "jeunesse" est-il plus dur que pour les adultes ?

Message par Georges Milton »

Hello @Myfanwi, je ne parlais en effet pas des séries de bouquin franchisés, mais bien d'essayer de faire quelque chose "de bien" (avec des gros gros guillemets), d'amener un regard, un sujet peu traité... et là, je trouve que c'est plus dur en jeunesse qu'en adulte. En adulte, le lecteur a déjà des codes, il accepte les digressions, il est plus souvent d'accord si tu pars sur une explication ou une description un peu longue, si tu ajoutes des fioritures qui bien souvent ne sont que des béquilles pour une construction un peu brinquebalante (je parle pour moi en tout cas). Alors que le lecteur jeunesse là, tintin ! Il te laisse pas faire tes petits effets de manche. Faut être précis et efficace avec lui.

Pour moi, ça répond aussi à @Ivan, car quelque soit l'intrigue que tu construis, y'a toujours la question de la manière de le dire à la fin. Et le lecteur jeunesse ne te pardonnera pas d'erreur là-dessus. Alors que foncièrement, je pense que l'adulte oui.

Quant à ce qui se vend vraiment, alors là, c'est sûr qu'on fait pas complètement le poids contre les anglo-saxons. Encore que en France en ce moment, t'as quand pas que Botero : Manon Fargeton, Timothée de Fombelle, Jean-Claude Mourlevat (même si ses grosses réussites datent un peu elles se vendent toujours), Jean-Philippe Arrou-Vignod (les enquêtes au collège c'est plus de 100 000 ventes) et des tas d'autres qui se vendent (et se lisent) bien.

PS : en tout cas, même si je sais que tout es affaire de persévérance, moi je suis à deux doigts de laisser tomber.
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Melalivres
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Re: Écrire pour la "jeunesse" est-il plus dur que pour les adultes ?

Message par Melalivres »

Pour moi, écrire pour la jeunesse, c'est d'abord savoir s'adapter à un public qui n'a pas notre âge, à ses centres d'intérêt, ou savoir le mener sur des chemins qu'il n'attendait pas sans pour autant le prendre de haut ou le traiter comme un abruti.
Il y a des auteurices qui savent faire avec brio même en venant de la litté adulte ; je prends pour exemple français Olivier Gay, qui vient du polar et a cartonné avec plusieurs de ses romans, en sachant utiliser des éléments qui plaisent énormément à la tranche d'âge qu'il visait : action, magie et amour.
Comme contre-exemple, il y a Olivier Adam, dont j'avais lu le premier roman pour ados en 2018, et qui m'avait fait me dire qu'il avait écrit un truc qui plaira aux adultes, mais que ça se retrouvait là parce que son narrateur avait moins de 18 ans. Je ne dis pas que son sujet ne pouvait pas aussi accrocher des jeunes, mais il manquait un je-ne-sais-quoi pour ce faire. Je crois que les gens qui l'ont acheté à ma librairie l'ont fait parce qu'il s'agissait d'Olivier Adam, et les deux romans suivants n'ont eu aucun succès chez moi.
Enfin… même si O. Adam écrit sur des thématiques super déprimantes, il ne pourra jamais faire pire que le roman de Gilles Paris, qui vient lui aussi de l'adulte, et dont je me demande encore s'il a ne serait-ce qu'un seul jeune dans son entourage ; avec une jeunesse telle qu'il l'a décrit, il n'y a rien à sauver, laissons vite couler le navire de l'humanité. J'en avais fait un très long article visible ici, pour les plus curieuxes.
En règle générale, je suis toujours très critique quand je découvre sur un roman jeunesse/ado le nom d'un·e auteurice que j'ai déjà vu passer en littérature adulte, surtout quand il s'agit de blanche ; je crains toujours que ces auteurices-là viennent jouer les donneureuses de leçon. Mais non, merci, si les enfants et les ados ont besoin de romans pour grandir et se construire, laissez-les au moins y trouver par eux-mêmes ce qu'iels y cherchent, au lieu de bien appuyer dessus pour être sûr·e·s qu'iels ne passent pas à côté de ce message super important que vous vouliez transmettre.
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Lyra-d-encre
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Re: Écrire pour la "jeunesse" est-il plus dur que pour les adultes ?

Message par Lyra-d-encre »

Je viens de lire vos échanges, et je vais répondre en prenant un cadre précis : celui de la publication de romans pour un public entre 9 et 12 ans.
Pas le young adult (qui pour moi fait du 16-21 xD)
Pas le ado (que je met entre 12 et 16)
Vraiment les enfants donc.

Je n'ai écrit que 2 courts textes (des mini mini mini nouvelles) à destination de cet âge (et encore, c'était même plutôt 8 ans la cible) sans jamais avoir eu aucun retour critique dessus donc je ne peux pas me prononcer sur la difficulté d'un roman entier par la pratique.

En revanche, j'ai suivi la masterclass de Cécile Duquenne sur l'écriture d'un roman jeunesse et j'ai appris pas mal de choses sur les codes, les attentes des lecteurs et des éditeurs. Je ne pense pas que ce soit fondamentalement plus difficile d'écrire pour eux. Il faut juste connaître ces codes et les assimiler comme contrainte/cadre quand tu rédige.
Après, est-ce plus difficile d'être publié qu'en adulte, je ne saurais le dire ;)
J'en profite pour faire un ptit instant com' vis à vis de cette masterclass, car le catalogue de formations de Cécile Duquenne est actuellement à -70% en ce moment, et franchement, cette masterclass là spécifiquement m'a été très enrichissante. Je te la recommande chaudement Georges si tu as 38.70€ à investir (c'est le prix qu'elle coûte actuellement). Tu y trouveras peut-être les clés pour te débloquer ?
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Nana
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Re: Écrire pour la "jeunesse" est-il plus dur que pour les adultes ?

Message par Nana »

J'ai envie de dire, en adulte aussi il y a des trucs hyper commerciaux qui marchent. Je pense que ça se voit un peu moins en littérature qu'avec les films ou les séries parce que comme la lecture "se perd", il y a un certain nombre de gens qui lisent qui sont des "amoureux de la littérature" disons, et qui vont détester les "genres commerciaux". Il n'en reste pas moins que parmi les auteurs les plus vendus, on trouve des auteurs très commerciaux... Peut-être que c'est plus frappant en jeunesse, mais je pense que c'est une tendance générale.

Je pense aussi que quand on compare écriture adulte et jeunesse, on peut partir du principe que notre but, c'est d'écrire un bon livre dans les deux cas. ;)

Enfin, comme ça a été dit, en jeunesse il y a beaucoup d'auteurices anglophones. Ce qui signifie que les maisons d'édition françaises vont être encore plus exigeantes. Parce que, si on veut un livre commercial, on a l'embarras du choix côté anglosaxon, avec un certain recul vu qu'on voit ce qui a marché à l'étranger; alors pourquoi prendre un livre français ? Autant publier les livres français de qualité !
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Moro
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Re: Écrire pour la "jeunesse" est-il plus dur que pour les adultes ?

Message par Moro »

Perso je lisais Tolkien dans la cour de récré. Vous verrez jamais ça aujourd'hui xD
Je n'ai pas trop le temps ni la compétence pour argumenter sur le reste vu que je n'écris pas de jeunesse (même si j'espère m'y mettre prochainement, non sans une légère appréhension, car je considère que c'est un exercice totalement différent de tout ce que j'ai fait et qui a des exigences propres) mais pour ce point et bien à mon travail l'un des romans les plus lus et empruntés par mes élèves est précisément.... Le seigneur des anneaux ^^ Pourtant il est bien au chaud dans les rayons, mais les élèves l'empruntent seuls et lisent la suite, même des élèves de 6ème (véridique) ! Une même semaine j'ai prêté Artemis Fowl, Eragon et Les royaumes du nord, comme quoi... Après oui, les habitudes changent, mais honnêtement pas mal de "hits" perdurent dans le temps, d'autres s'installent, comme Les Royaumes de feu ou d'autres.
En France, un peu comme en SFFF d'ailleurs, on manque d'auteurs références vraiment marquants et récents pour rendre certains textes plus crédibles et sérieux.
Il y a quand même THE best-seller des dernières années : la Passe-miroir ! Mes élèves l'adorent aussi et l'empruntent volontiers ainsi que la suite.
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Natacha
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Re: Écrire pour la "jeunesse" est-il plus dur que pour les adultes ?

Message par Natacha »

Je me permets de m'incruster dans cette conversation, car elle concerne un sujet qui me passionne, à la fois en tant que professeure des écoles et en tant qu'autrice amateure.

Pour commencer par la question du lectorat, ce que j'observe à l'école est plutôt rassurant : l'immense majorité de mes élèves lisent et lisent beaucoup. En CM1, la moitié de ma classe a déjà avalé les cinq premiers tomes d'Harry Potter et ils me demandent quel Agatha Christie est mon préféré pour s'y lancer. J'ai lancé un rallye lecture "romans policiers" et c'est impressionnant de les voir se jeter sur ces polars et les dévorer comme il se doit. Ça en devient même un problème, car je dois sans arrêt surveiller qu'ils ne cachent pas un livre sur leurs genoux pour bouquiner au lieu d'écouter ce que je leur raconte ! :lol:

Du côté de la publication, je trouve qu'on a une quantité d'auteurices francophones fantastiques. Je suis peut-être trop optimiste dans mon constat (c'est mon enthousiasme naturel qui déborde), mais je ne lis pratiquement que de la jeunesse et c'est dingue l'offre qu'il y a ! Marie-Aude Murail, Timothée de Fombelle, Clémentine Beauvais...je ne vais pas lister tous mes chouchous, on y serait encore demain !
Après, je suis tout à fait d'accord pour dire que c'est un marché où les éditeurs ont l'air de prendre peu de risques (je dis "ont l'air" parce que je ne sais pas ce qui se passe à l'intérieur desdites maisons d'édition). C'est vrai que si les jeunes lecteurices ne sont pas très vite happés par une histoire, ils abandonnent et passent à autre chose. La cour de récréation, c'est une étude marketing à elle toute seule ! En novembre, ils lisaient tous "La Guerre des clans". En janvier, ils avaient tous "Jack et la grande aventure du cochon de Noël" sous le bras (ça me désole, mais J. K. Rowling est toujours très populaire auprès des gamins). Il y a un petit cercle de critiques littéraires dans ma classe et les livres passent le baptême du feu...ou sont laissés dans un coin. Quel public intransigeant !

En ce qui concerne l'écriture de textes destinés à la jeunesse, je ne sais pas si mon point de vue est pertinent : je n'écris que ça (sans jamais avoir été publiée, donc je ne maîtrise certainement pas l'exercice) et je n'ai jamais essayé de me lancer dans la rédaction d'une histoire pour adulte.
La difficulté principale que j'identifie dans les histoires jeunesse, c'est de réussir à ne pas perdre l'attention du lecteur. Pour moi, ça ne veut pas dire un rythme effréné et de l'action en permanence. Non, ça veut surtout dire qu'entre "jardinier" et "architecte", je ne me sens pas vraiment le choix : mon intrigue doit être parfaitement ficelée. Pas de moment d'égarement possible. Alors je prépare tout, je fais des fiches personnages et je rédige le découpage de mon roman chapitre par chapitre.
En revanche, au niveau des thèmes, je ne m'interdis presque rien. Certes, je ne vais pas parler de sexualité crue ou de drogues dures dans un ouvrage destinés aux 8-10 ans, mais je n'hésite pas à aborder le deuil, le traumatisme, la manipulation, le féminisme, etc. Et je pense que ça peut tout à fait être fait de manière subtile et nuancée ! Les jeunes lecteurices peuvent tout comprendre, il faut leur faire confiance. Je prête juste attention au vocabulaire que j'emploie (et encore, tant qu'il n'y a pas vingt mots qu'ils ne comprennent pas par ligne, ils peuvent tout à fait terminer une histoire sans en comprendre chaque terme) et j'évite les phrases proustiennes.

En gros, je n'ai pas l'impression qu'écrire pour la jeunesse soit nécessairement plus difficile que d'écrire pour les adultes - ce que, à nouveau, je n'ai jamais fait, donc mon avis est à prendre avec des pincettes. C'est juste un exercice différent et qui, du coup, ne convient pas à tout le monde. Typiquement, je me dis que ça doit être plus compliqué pour celleux qui construisent leur intrigue en jardinier ou qui aiment les longs passages contemplatifs ! :)
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