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Re: Débat n°2 : peut-on mettre des personnages racisés dans ses romans quand on ne l'est pas soi-même ?

Publié : 01 juil. 2022, 12:05
par Vestrit
Petite précision du coup sur Xiran Jay Zhao : iel est non-binaire (quand bien même la traduction française lae genre au féminin...)

Re: Débat n°2 : peut-on mettre des personnages racisés dans ses romans quand on ne l'est pas soi-même ?

Publié : 01 juil. 2022, 12:28
par Virgule
ah woops, je savais pas ! j'édite.

Re: Débat n°2 : peut-on mettre des personnages racisés dans ses romans quand on ne l'est pas soi-même ?

Publié : 03 juil. 2022, 10:02
par Crazy
Personne n'a cité "La diversité décomplexée" de Jo Ann von Haff ? (qui, comme son nom ne l'indique pas est métisse et multiculturelle).

Elle y parle des différents niveau de diversité qu'on peut inclure dans nos romans - quoique je ne me rappelle pas qu'elle aborde le sujet "parler de problématiques racisées à la place des concernés" (qui, évidemment, me semble un truc à éviter).

Perso, je dirais qu'on *doit* mettre des persos racisés dans nos histoires, parce qu'ils existent (et pareil pour les LGBT+, les handis...). En revanche, il faut faire ça correctement et éviter les clichés racistes (qui peuvent être involontaires) - c'est pour ça qu'il y a des Sensitivity Readers.

Re: Débat n°2 : peut-on mettre des personnages racisés dans ses romans quand on ne l'est pas soi-même ?

Publié : 05 juil. 2022, 12:21
par Scaldie
Vestrit a écrit : 01 juil. 2022, 09:23 Pour le coup, Scaldie, la comparaison entre femmes et racisées est très fautive, ici, je pense, et trouve ses limites.
Car les dynamiques sont très différentes, amha.

(...)

Je pense que ce sont des bons outils pour rester dans le respect et ne pas faire d'appropriation. :)
Et pour moi, il y a un monde entre la diversité et l'appropriation, qui sont assez faciles à différencier.
En effet, tu as raison, la comparaison n'est pas pertinente à chaque fois. Même si certains points sont comparables, ça me semble plus dans le cas de la diversité que dans celui de l'appropriation. À vrai dire, ça semble parfois difficile de savoir où placer le curseur, mais il est vrai qu'en creusant un peu, on peut trouver des clés de compréhension pour mieux faire la différence.

Le problème viendrait plutôt de ceux qui ne veulent pas faire l'effort d'entendre qu'il y a un problème à écrire sur certains sujets à la place d'autres personnes plus concernées. Ou plutôt qu'il y a un problème à publier sur certains sujets à la place d'autres personnes, car après tout, on est bien libre d'écrire sur ce qu'on veut je trouve, tant que ça reste dans nos tiroirs :woman_shrugging: Donc, je suis d'accord avec Virgule, la publication me semble plutôt être le nœud du problème ?

Question annexe pour relancer le débat : est-ce que certaines thématiques devraient être réservées aux écrivains racisés ? Je parle ici de thématiques plus générales, comme par exemple le racisme ou l'esclavage ? (sans se référer spécifiquement au racisme des blancs envers les noirs, ou à la traite des afro-américains ? peut-on quand même aborder ce thème, je pense notamment aux romans de fantasy qui peuvent s'y prêter ?)

Re: Débat n°2 : peut-on mettre des personnages racisés dans ses romans quand on ne l'est pas soi-même ?

Publié : 05 juil. 2022, 13:45
par Virgule
Scaldie a écrit : 05 juil. 2022, 12:21 Question annexe pour relancer le débat : est-ce que certaines thématiques devraient être réservées aux écrivains racisés ? Je parle ici de thématiques plus générales, comme par exemple le racisme ou l'esclavage ? (sans se référer spécifiquement au racisme des blancs envers les noirs, ou à la traite des afro-américains ? peut-on quand même aborder ce thème, je pense notamment aux romans de fantasy qui peuvent s'y prêter ?)
pour le coup, je dirais que la xénophobie n'a pas de lien avec la couleur de peau, donc y'a ptête moyen.
On entend beaucoup les américains sur la question du racisme comme Personne "Caucasienne" VS Tout Les Autres, comme si caucasien voulait dire ce qu'ils pensent que ça veut dire (blanc). En Europe en tout cas, il ne suffit pas d'être blanc (même si ça aide), il n'y a qu'à voir le traitement de l'Europe de l'Est, pourtant majoritairement "blanche" (et, de fait. Les vrais caucasiens sont là-bas lmao). Donc s'il s'agit de parler de xénophobie, je pense qu'il n'y a pas de souci. Sur la question du racisme qui est spécifique tout de même, c'est plus flou. Je dirais que c'est ok en fantasy ? Pincettes obligatoires, mais si ce n'est pas une copie carbone du monde réel réinterprétée par quelqu'un de privilégié et mal recollé sur un univers fictif, je PENSE que c'est ok. Mais ça m'a l'air casse-gueule alors perso j'irais pas je crois :lol:

De même, l'esclavage est très associé à la couleur de peau avec tout le commerce triangulaire, mais, historiquement, c'est n'importe quel groupe facile à capturer, perdants de guerre ou paysans etc, donc, sur la thématique même, je ne pense pas qu'il y ait de problème s'il ne s'agit pas d'un parallèle direct au commerce triangulaire.

Je ne connaissais pas Jo Ann von Haff, mais je vais me pencher sur son bouquin !

Re: Débat n°2 : peut-on mettre des personnages racisés dans ses romans quand on ne l'est pas soi-même ?

Publié : 06 juil. 2022, 19:47
par Plokie
Virgule a écrit : 05 juil. 2022, 13:45 Sur la question du racisme qui est spécifique tout de même, c'est plus flou. Je dirais que c'est ok en fantasy ? Pincettes obligatoires, mais si ce n'est pas une copie carbone du monde réel réinterprétée par quelqu'un de privilégié et mal recollé sur un univers fictif, je PENSE que c'est ok. Mais ça m'a l'air casse-gueule alors perso j'irais pas je crois :lol:
Alors ca m'interroge pas mal car dans le tout début d'un texte en cours de premier jet, en science fiction, je suis partie du principe que je voulais faire des personnages très mixés. Bref mon héroïne a la peau foncée, des taches de rousseurs, les cheveux bouclés roux et les yeux gris (un truc du genre). Et là, pendant une scène où elle rencontre qq'un qui va peut-être devenir un méchant, paf, elle se prend une remarque misogyne / raciste / classiste (pauvre vs riche).
Pour le moment je l'ai laissé, mais toute cette discussion va m'aider à réfléchir qu'est ce que j'en fais ...

(message peut-être un peu hors sujet, désolé)

Re: Débat n°2 : peut-on mettre des personnages racisés dans ses romans quand on ne l'est pas soi-même ?

Publié : 07 juil. 2022, 10:34
par Nana
Encore des questions intéressantes !
Scaldie a écrit : 05 juil. 2022, 12:21 est-ce que certaines thématiques devraient être réservées aux écrivains racisés ? Je parle ici de thématiques plus générales, comme par exemple le racisme ou l'esclavage ? (sans se référer spécifiquement au racisme des blancs envers les noirs, ou à la traite des afro-américains ? peut-on quand même aborder ce thème, je pense notamment aux romans de fantasy qui peuvent s'y prêter ?)
Je dirai que ça dépend. Par exemple, j'ai un roman où il est question d'esclavage, mais les esclaves en question ne sont pas noirs et l'esclavage lui-même sans lien avec la couleur de peau. Finalement c'est plus de liberté, de l'exploitation et des classes sociales que je parle, pas de couleur de peau. Par ailleurs ce n'est pas la thématique principale du roman même si dans mon tome 2 il en est beaucoup question : le roman parle davantage de se battre pour ses idées et d'assumer les conséquences de ses actes.

Je pense aussi que c'est différent de se placer dans le monde réel vs dans un monde fantasy où les dynamiques ne sont pas les mêmes. Par exemple, je ne me verrais pas écrire un roman avec pour thème principal le racisme aux Etats-Unis, ou alors sur l'islamophobie en France, je n'y connais pas grand-chose. Par contre j'ai un roman qui traite de discrimination en fonction des pouvoirs magiques des individus. Je pense que c'est une thématique qui se rapproche, mais que c'est clair pour les personnes qui vivent le racisme que ce n'est pas un roman qui parle de leurs expériences.

Re: Débat n°2 : peut-on mettre des personnages racisés dans ses romans quand on ne l'est pas soi-même ?

Publié : 13 juil. 2022, 08:41
par Vestrit
Je pense que tout est une question de l'angle sous lequel on aborde la thématique, et des dynamiques qu'on y inclut.
(oui, c'est aussi élaboré que ça ^^)

Re: Débat n°2 : peut-on mettre des personnages racisés dans ses romans quand on ne l'est pas soi-même ?

Publié : 25 juil. 2022, 11:57
par kkt8
Bonjour,
Mon premier roman, en cours d'écriture, fait vivre une héroïne somalienne.

J'y raconte son parcours de jeune femme très chaotique et difficile, entre deux pays sur fond de parcours de réfugiée.
Je suis blanche et française de naissance, et je n'ai jamais été confrontée à un destin identique.

J'avoue que je ne suis même pas posée la question de la légitimité de ma démarche. Cette héroïne s'est imposée à moi sans que j'y puisse grand chose et elle m'a raconté son histoire. Alors oui cela vient du fin fond de mon imagination mais bercée d'images et d'écrits qui l'ont nourris.

Donc pour moi, aucun soucis, c'est une fiction et je fais ce que je veux avec mes personnages, avec beaucoup de respect bien sur. Je les chouchoute :D

Chris

Re: Débat n°2 : peut-on mettre des personnages racisés dans ses romans quand on ne l'est pas soi-même ?

Publié : 25 juil. 2022, 16:13
par Symphonie
Je n'avais pas participé jusqu'ici parce qu'étant blanche, je ne me sentais pas forcément légitime à vraiment discuter sur la question, mais les échanges sont très intéressants. (Désolée, je vais faire des parallèles avec la représentation des persos handis, parce que je connais mieux).

My 2 cents.

Déjà, je rejoins Nana et Vestrit, je fais une distinction aussi. Pour moi, mettre des personnages "minorisés" (j'aime pas le terme, c'est juste que c'est mon avis général, que ce soit pour la couleur de peau, l'orientation, le handicap etc), c'est important à plusieurs niveaux. Crédibilité, éviter d'avoir un casting identique, permettre à des lecteurices de se projeter dans l'univers (sans forcément s'identifier, mais au moins pouvoir se dire "en tant que personne noire/trans/handi etc, je peux exister dans cet univers, il y a ce personnage-là, et ça se passe bien pour ellui), induire la banalisation de la diversité (oui, c'est normal que tout le monde soit pas pareil). Du coup, pour ce niveau-là (de surface donc), je pense qu'à partir du moment où c'est fait de façon respectueuse, renseignée etc, quitte à faire appel à un"e sensitivity reader... c'est ok.

Par contre, pour ce qui est du traitement de thématiques spécifiques ou d'avoir un vrai personnage dont la culture etc aura un impact important sur le livre... meh. J'ai pas la légitimité de parler au sujet de films/livres impliquant des personnages racisés, donc je prendrai l'exemple du handicap : les films/séries que j'ai vues, faits par des valides... ben ils me sortent par les yeux tellement c'est souvent n'importe quoi, alors que si c'est juste un personnage dans le fond, en général, je suis contente, parce que 1/ y'a quand même un perso handi, c'est cool, c'est mieux que de en pas en avoir 2/ on le voit pas d'assez près pour voir une mauvaise représentation. Du coup, quand il s'agit d'un traitement plus important/approfondi/central, je pense que c'est important de laisser la parole aux personnes concernées. (Après, des fois ça se passe bien aussi. J'ai déjà lu au moins un livre avec un personnage malade chronique avec un super traitement de perso, alors que l'auteurice n'avait pas l'air directement concerné'e. Mais pour une bonne représentation, on va en avoir 5 mauvaises à côté).


Dans la Symphonie, on est dans un univers 100% inventé, où le rapport de force ne se fait pas tant au niveau de la couleur de peau ou autre, mais plutôt par rapport à l'espèce (puisqu'on a plusieurs espèces "humanoïdes"). Par conséquent, il n'y a pas de discrimination liée à la couleur de peau, à l'origine ethnique, à l'orientation, au genre (les discriminations existent toujours, mais elles n'ont pas les mêmes sources). L'idée, c'est que je ne voulais pas d'un casting 100% blanc/hétéro/valide etc, parce que ça n'aurait pas eu de sens, et puis je me dis que si une petite fille noire et trans aime l'univers et qu'elle veut s'imaginer dedans, y'a pas de soucis, cette petite fille peut exister dans cet univers sans problème. Mais je n'approfondis pas les spécificités que je ne connais pas personnellement, parce que bah, je ne suis pas légitime, je ne saurais pas le faire avec la même pertinence qu'une personne concernée (sans parler du fait que les auteurices racisés sont sous représentés).
Je me suis quand même efforcée de faire attention dans mes descriptions ou les dialogues, par exemple. J'ai aussi fait attention aux points de vue : par exemple, si sur une scène la narration passe par le pov d'un personnage à la peau brune, je vais faire passer dans la description que le personnage en face a la peau blanche, mais je ne vais pas parler de la sienne).

Par contre j'ai des persos handis et/ou douloureux chroniques et/ou avec des hypersensorialités et/ou de l'anxiété... bon ben là, je connais mieux, du coup j'ai été plus loin dans le traitement de ces personnages-là.

Re: Débat n°2 : peut-on mettre des personnages racisés dans ses romans quand on ne l'est pas soi-même ?

Publié : 16 sept. 2022, 15:44
par Ivan
Je pense qu'on peut clôturer ce sujet, les échanges semblent être achevés. Un débat beaucoup plus animé que le précédent, où nous avons vu un peu plus d'avis contradictoires.

Tout le monde s'est accordé à dire que les personnes concernées sont les plus aptes à parler de leur condition. Il faut faire attention, en tant que personne non-racisée, à ne pas s'exprimer à leur place, dans la mesure où on n'a ni l'expérience ni la légitimité pour transmettre ces vécus. D'un autre côté, il semble acceptable et même souhaitable d'avoir une galerie de personnages diverse, car c'est tout simplement le reflet du monde dans lequel on vit. Une position un peu plus laxiste est de dire que chacun est libre de prendre le risque d'adopter un point de vue d'une personne racisée, mais qu'il ne faudra pas venir se plaindre si ça se passe mal et que tout le monde est offensé.
Le débat a aussi touché des points compliqués, comme le fait qu'il n'existe pas une seule expérience commune pour toutes les personnes racisées, même au sein de la même minorité, et même le "piège inverse" où les auteurices se retrouvent assignés à des genres littéraires ou types d'histoires de par leur appartenance à un groupe.

Enfin, la place et la responsabilité des éditeurs a été pointée du doigt, puisque c'est eux qui in fine décident de qui peut s'exprimer ou non (dans le cadre de ce qu'ils reçoivent évidemment).